Philippe Mélanchthon, le yin essentiel du yang de Martin Luther, a mené la réforme de l’éducation luthérienne. L’époque exigeait de nouveaux matériels et de nouvelles formes d’éducation, et ce qui absorba une grande partie de son attention depuis sa conférence inaugurale à Wittenberg en août 1518 jusqu’à sa mort en avril 1560. L’impact personnel de Mélanchthon s’est fait sentir de l’école primaire jusqu’à l’université.

La dernière décennie de sa vie n’ a pas été aisée. Luther était décédé en 1546 pendant la santé de Mélanchthon n’était jamais bonne. Il y avait eu des guerres et des rumeurs de guerres. La pauvreté était omniprésente, et les ressources limitées. Les imprimeries avaient démocratisé l’accès au matériel, mais le taux d’alphabétisation était faible, de sorte que le grand public restait mal informé. L’opposition était souvent féroce, certaines attaques venant d’autres protestants. Peu avant sa mort en Avril 1560, Mélanchthon écrit un passage devenu célèbre, dans son journal intime on peut lire: “Tu seras délivré des péchés, et libéré de l’acrimonie et de la fureur des théologiens.”

Dans cette décennie finale Mélanchthon a continué à écrire des commentaires bibliques, et il a cherché des conseils et des encouragements dans son entreprise de commentateur. Les Psaumes illustrent bien ce fait particulièrement dans  le verset suivant:

Je parlerai du décret de l’Éternel….

Maintenant donc, ô rois, soyez sages, soyez avertis, chefs de la terre. Servez l’Éternel avec crainte, Baisez-lui les pieds en tremblant…

Heureux tous ceux qui se réfugient en lui. (Psaume 2.7-12 NRSV)

Mélanchthon en conclut:

“L’évangile doit être enseigné et donc appris. Et selon ce dicton, tout cela doit se refléter dans nos études : Dieu affirme qu’il veut établir ce royaume par la prédication; par conséquent, il défend l’étude et l’enseignement; il ne permettra pas que les églises, les écoles et les maisons d’enseignement soient entièrement détruites.”

(Commentaires sur les Psaumes, 1553-1555, du Commentaire de la Réforme sur les Écritures)

L’expression «Ne pas être entièrement détruit» n’est guère d’un optimisme retentissant, mais l’enseignement théologique a rarement la vie facile. Ses institutions, typiquement, luttent avec acharnement.

Pourquoi lutter? L’éducation théologique est-elle importante?

Dans l’ensemble, nous suggérons que les écoles de théologie au sein de l’Église existent pour deux raisons essentielles: premièrement, pour équiper et former des pasteurs, prédicateurs, missionnaires, enseignants et autres responsables au sein de l’Église; deuxièmement, pour aider les responsables à tester, développer et partager leurs perspectives prophétiques, pour encourager et parfois pour corriger l’Église et la société. Comme le disait le psalmiste, les éducateurs forment des leaders pour parler du décret du Seigneur, et les prophètes pour appeler les uns et les autres à servir le Seigneur avec crainte et tremblement. Les nombreuses autres fonctions – des rôles sociaux au sein d’une université à la participation à des associations académiques – sont secondaires.

L’éducation théologique essentielle ne doit évidemment pas être assimilée à une institution ou à un système pédagogique particulier. Les écoles ferment et ouvrent régulièrement, et la formation théologique prend plusieurs formes, perpétuellement. Comparez les monastères médiévaux au monde universitaire moderne ou envisagez la croissance de l’Église en Chine pendant la Révolution culturelle, avec une éducation formelle interdite et des matériaux limités, et la comparer avec les systèmes et les ressources disponibles dans une université occidentale moderne. La technologie transforme rapidement l’éducation occidentale, mais elle ne fait que commencer dans le monde majoritaire. Les formes et les écoles sont temporelles et temporaires, mais le besoin de former des leaders et d’appeler l’Église à la fidélité et la société à la vertu demeurera.

Les écoles de théologie peuvent-elles devenir plus saines grâce à une stratégie et à une planification efficaces?

Les disciplines de la stratégie et de la planification sont bien établies, mais elles sont principalement pratiquées en dehors de l’enseignement théologique. Le terme “stratégie”, à l’origine un terme militaire, se réfère au développement et à la mise en place des moyens avant le combat.

L’éducation théologique est intrinsèquement stratégique car elle prépare les femmes et les hommes à mener des batailles contre l’ignorance et l’immaturité, parfois contre la méchanceté spirituelle dans les lieux élevés. La “planification” est une préparation ordonnée au combat.

La sagesse l’emporte sur la force, la connaissance sur la force brute ;

car les guerres sont gagnées par une stratégie habile,

et la victoire est le fruit d’une planification détaillée.

(Proverbes 24.5-6 [Trans. de NEB-Nouvelle Bible en Anglais])

Développer une stratégie cohérente, c’est comme résoudre un problème de Rubis Cube. L’étape première est de réfléchir à comment le cube résolu apparaîtra. Qu’est-ce qui constituera le succès?

Dans notre cas: Quelle est la mission unique et contextuelle de l’école au sein de l’Église? Quelle sorte d’étudiants voulons-nous préparer pour quelles vocations? Quelle voix prophétique doit être entendue dans l’Église et dans la société à partir de cette communauté scolaire spécifique? Les réponses à ces questions fournissent la raison d’être de l’institution au sein de l’Église.

Ayant défini à quoi ressemblera le cube une fois le problème résolu, nous alignons les couleurs et les modèles, y compris: a) le recrutement des étudiants et les normes; b) le curriculum et les diplômes, en lien avec les vocations; c) le corps enseignant et  développement du corps enseignant; d) les installations et le développement des installations; e) l’apprentissage continu et le développement des anciens; f) les arrangements en éducation coopérative avec les autres établissements; g) la pédagogie, y compris l’utilisation de la technologie; h) la haute direction et l’administration ; et i) le modèle financier, y compris les frais de scolarité, les donateurs locaux et internationaux et les autres sources de revenu (souvent appelé “troisième volet “). Ces neuf éléments – entre autres – sont importants parce qu’ils doivent être alignés pour soutenir la mission de l’institution éducative dans l’Église.

Presque tout prend du temps à se développer et implique toute la communauté, ainsi un plan est simplement un programme intégré et réaliste pour atteindre les résultats escomptés.

La perfection n’est pas la norme. Il y a un dicton dans les milieux d’affaires: deux types d’entreprises échouent, celles qui ne planifient pas et celles qui suivent leur plan. Le fait est que la discipline de la planification permet  aux dirigeants de se concentrer sur leur mission et sur les éléments inter reliés qui sont importants pour la réussite de cette mission. Mais une fois le plan terminé, il est normal d’avoir des événements imprévus. La planification, cependant, aura préparé les dirigeants à modifier leurs actions en fonction de la mission de l’institution.

Au cours des dernières années, «ScholarLeaders International» a eu le privilège de travailler avec un certain nombre d’écoles de premier plan pour les aider à clarifier leur mission et à envisager leur stratégie en fonction de leurs objectifs. Les écoles sont essentiellement en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique latine et en Europe de l’Est. Toutes sont évangéliques, de diverses confessions ou sont non confessionnelles. La portée et la cible des programmes varient, de l’éducation en internat à temps plein à l’éducation à temps partiel pour les pasteurs à temps plein, en passant par l’éducation pour les responsables d’églises et les professionnels laïcs, du niveau du doctorat au niveau du certificat.

Chacune de ces écoles  apporte une contribution importante, formant des leaders et encourageant ceux qui parlent avec audace à l’Église et à la société. Tous se démènent financièrement. Ce travail, nous l’appelons «l’Initiative de Pérennité Vitale»  (Vital SustainAbility Initiative, VSI).

Chaque école est unique, avec des défis, une stratégie et un plan qui lui sont propres. Il y a cependant des objectifs et des thèmes communs, dont nous aimerions décrire quatre.

1. Le contexte est le moteur de la mission.

Ivan Rusyn

Ivan Rusyn
Président de l’ Ukraine Evangelical Theological Seminary  (UETS) [La Faculté de Théologie de l’Ukraine]

Plus d’une décennie après son indépendance de la Russie, l’Ukraine est toujours menacée par les incursions à l’Est. Kiev, la maison de l’UETS, est un refuge relativement sûr pour les évacués de l’Est, et l’école accueille les familles déplacées sur le campus. Le stress post-traumatique chez les réfugiés est évident pour les dirigeants de l’école et les élèves. Consciente du besoin, et sensibilisée par ceux qui souffrent, l’école forme des pasteurs-conseillers. Aussi, préoccupée par cette nouvelle nation, la faculté de théologie explore la signification chrétienne de la citoyenneté ukrainienne.

Atef Gendy

Atef Gendy
Président de l’ Evangelical Theological Seminary of Cairo (ETSC) [Faculté de Théologie Evangélique de Caire]

Créé en 1863 par des missionnaires presbytériens, le CTSE appartient maintenant à des Égyptiens et est dirigé par eux. CTSE il soutient un programme résidentiel de formation pour les pasteurs du Haut-Ni, et a ajouté des programmes pour les pasteurs urbains travaillant au sein de la population croissante de la mégapole du Caire, pour les missionnaires en Afrique du Nord, et pour les professionnels ayant des intérêts très variés. Dans l’environnement religieux restreint de l’Egypte, le Centre pour le christianisme au Moyen-Orient de l’école amène les chrétiens et les musulmans à réfléchir sur l’histoire de la foi en Egypte, les contributions du christianisme et les moyens par lesquels le bien commun pourrait être promu par la coopération entre chrétiens et musulmans.

De ces deux écoles – et de beaucoup d’autres – il s’ensuit que chaque école a une mission unique, éclairée par l’Église locale, les besoins de la société, les dons uniques de l’école, et l’appel de ses professeurs et autres leaders.

Les étudiants font partie de cette mission. Nous en avons interviewé des douzaines et aucun étudiant n’a jamais dit : «Mon rêve est de valider un ‘Master en Divinité’». Les étudiants rêvent de vocations, pas de diplômes. Ironiquement, les écoles conçoivent et mesurent généralement le produit de l’école comme un programme menant à un diplôme ou une certification, plutôt que comme aboutissant à un étudiant préparé à une vocation.

Nous estimons que la discussion sur la mission de l’école est nécessaire et précieuse. Dans de nombreux cas, les fondateurs missionnaires ont établi un programme il y a des décennies, généralement lié à la formation des pasteurs à travers des programmes basés sur les modèles éducatifs occidentaux. Parfois, ce patrimoine important n’a pas été remis en question et mis à jour, compte tenu des changements dans l’Église et la société, de l’approfondissement des connaissances, de la culture locale et des progrès considérables dans la complexité  théologique du corps enseignant au plan national. Les dirigeants de ces écoles sont généralement surchargés de travail et la plupart n’ont pas pris le temps nécessaire pour réfléchir en profondeur à une mission alternative et ne savent généralement pas comment s’y prendre.

Comme ci-dessus, les questions les plus importantes sont: Quels étudiants voulons-nous préparer pour quelles vocations? Quelle voix prophétique doit être entendue dans l’Église et dans la société à partir de notre communauté académique spécifique ? Le défi consiste à définir clairement la mission de l’école et de considérer tout le reste à la lumière de cette mission. Avec des ressources limitées, les dirigeants de ces  institutions doivent mettre l’accent sur l’orientation stratégique.

2. La réalité économique est dure.

La chose la plus importante à retenir au sujet de l’économie de l’éducation théologique est que les écoles qui utilisent des modèles d’éducation typiques dépensent de l’argent sur chaque élève. Les frais de scolarité couvrent en moyenne environ 30% des coûts. C’est vrai dans le monde entier, mais les institutions occidentales sont maintenues à flot par les subventions nationales et universitaires, la générosité dont elles ont bénéficié dans le passé (fonds de dotation), les donateurs actuels et la dette étudiante, autant de facteurs qui sont tous très accessibles dans le monde en général. Et l’Église des pays en développement est souvent centrée – heureusement – sur les pauvres. La viabilité financière est donc constamment menacée.

Les écoles imposent des frais de scolarité et font donc penser à de véritables entreprises, mais n’ont que peu ou pas de potentiel pour tout ce qui relève de la rentabilité. Il s’agit là peut-être d’une réalité contre-intuitive, mais nous ne pouvons pas nous sortir des problèmes financiers. La croissance, en fait, exacerbe les défis d’ordre financier.

Des grands donateurs bien intentionnés aident parfois à lancer de nouveaux programmes et, sans s’en rendre compte, en ajoutent sur le long terme aux difficultés financières.

Notre expérience nous a appris que les dirigeants d’écoles théologiques ne comprennent pas ces réalités économiques. Nous pouvons toujours trouver un moyen d’accepter un étudiant de plus à un coût minime, mais il ne s’ensuit pas que le corps enseignant, le curriculum et les installations s’en portent mieux lorsque dix étudiants sont ajoutés ou soustraits. Avec une gestion disciplinée, pratiquement tous les coûts peuvent varier en fonction du nombre d’étudiants. Cependant, Les systèmes de comptabilité financière de l’école ne présentent pas les données d’une manière qui les rend évidentes. La contribution en nature du corps professoral missionnaire, les dépenses en capital et les arriérés de frais d’entretien sont souvent ignorés dans les rapports de gestion.

Prabhu Singh

Prabhu Singh, président et Ian Payne, ancien président
South Asia Institute for Advanced Christian Studies (SAIACS) [Institut Supérieur des Etudes Chrétiennes en Asie Méridionale]

Le SAIACS envisage d’étendre son ministère dans le nord de l’Inde. La croissance de l’Église est documentée, de sorte que l’école a envisagé l’expansion de son programme résidentiel. Avec l’analyse, les dirigeants ont été surpris d’estimer que l’élargissement du programme actuel entraînerait une augmentation d’environ 12 % des coûts différentiels et nécessiterait des dépenses en immobilisations. Cette situation, ainsi que des facteurs liés aux objectifs des étudiants éventuels, ont conduit à envisager d’autres moyens d’expansion, y compris un programme hybride, à distance, et résidentiel.

Non seulement les réalités économiques sont mal comprises par les dirigeants d’école et les bailleurs de fonds, mais elles sont tout de même sous-estimées par les élèves. Bien que les frais de scolarité ne couvrent qu’une partie du coût de l’éducation, les étudiants la considèrent généralement comme coûteuse et recherchent une aide. Ils le font sans penser à la générosité déjà apportée par l’école et ses donateurs. Cette attitude prive les étudiants du sentiment encourageant d’être entourés par l’Église lorsqu’ils sont formés pour le ministère.

Chaque élève est une occasion de faire preuve de générosité. En reconnaissance de sa vocation et de sa valeur pour l’Église, l’école et ses donateurs font un don pour former un leader potentiel pour le service. Cependant, chaque étudiant présente également un choix d’investissement. Cet élève est-il susceptible d’avoir un impact sur l’Église d’une manière compatible avec la mission de l’école et proportionnée à l’investissement dans sa formation? Si la mission est notre principale motivation, le nombre total d’étudiants et de diplômés n’a d’importance que dans la mesure où ils sont préparés à des vocations compatibles avec la mission de l’école.

C’est dans cet esprit – et pour fournir des informations précises aux dirigeants, aux étudiants et aux donateurs – que nous encourageons les écoles à payer les frais de scolarité au prix fort, puis à accorder des bourses d’études qui permettent aux étudiants de participer. Les bourses d’études seraient basées sur l’impact probable de l’étudiant sur l’Église, la capacité de l’école à le former pour le ministère, et les besoins de l’étudiant.

Il est important de tenir compte du fait que les dures réalités économiques actuelles deviendront probablement plus difficiles. Les programmes technologiques relativement peu coûteux prennent de l’ampleur presque partout. Un contenu gratuit de haute qualité est de plus en plus disponible dans de nombreuses langues et à partir de sources réputées (p. ex. Third Millennium [Troisième Millénium], Fuller Theological Seminary). Les Églises dites indépendantes, charismatiques et méga-Églises – qui se développent dans de nombreux contextes – accordent moins de valeur aux titres de compétences que les dénominations traditionnelles.

La demande de formation théologique de haute qualité augmente parmi les professionnels chrétiens, mais ils accordent peu d’importance aux diplômes, ce qui réduit l’obstacle à la concurrence de l’éducation non formelle et non accréditée. De plus, l’appui des confessions occidentales pourrait continuer de diminuer au fur et à mesure que les missionnaires engagés depuis des années prendront leur retraite.

L’un d’entre vous penserait-il à construire une tour sans d’abord s’asseoir et en calculer le coût pour voir s’il peut se permettre de la terminer? Sinon, s’il en pose les fondations et qu’il n’est pas en mesure de l’achever, tous les spectateurs se moqueront de lui.

Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever? (Luc 14.28-30)

3. Communauté: Pérennité et apprentissage.

La communauté qui constitue et entoure une école – ses étudiants, ses professeurs, ses anciens élèves, les responsables locaux, les autres institutions théologiques et les professeurs, les donateurs – permet à l’école de prospérer et de contribuer à la mission de Jésus. Les pressions quotidiennes incitent les  dirigeants à se concentrer sur l’immédiat – soit les étudiants et le corps professoral – mais il y a beaucoup plus à considérer.

Emiola Nihinlola

Emiola Nihinlola
Président du Nigerian Baptist Theological Seminary (NBTS) [Faculté de Théologie Baptiste du Nigéria]

Le NBTS est exemplaire à bien des égards, avec la communauté d’encouragement et de soutien qu’elle rassemble. Cela reflète, en partie, la culture entrepreneuriale propre au Nigéria. Elle est peut-être aussi née du besoin apparu lorsque le soutien occidental a pris fin et que les missionnaires baptistes se sont retirés.

Certes, elle reflète bien les qualités innovatrices de l’école et des autorités religieuses. Quelles qu’en soient les raisons, le NBTS attire le soutien de tout le Nigéria, car il forme des pasteurs professionnels pour la Convention baptiste nigériane, puis pour l’Église de l’Afrique occidentale. Toute cette approche est facilitée par la relation étroite que le NBTS entretient avec les anciens étudiants. La conférence annuelle des pasteurs rassemble des milliers de personnes pour la formation continue et la communion fraternelle. Un forum des dirigeants d’institutions théologiques, organisé par le NBTS, a lieu régulièrement et attire de nombreux participants. Des projets spécifiques sont financés au Nigéria; par exemple, des anciens étudiants ont récemment financé un centre de conférences et des foyers pour étudiants diplômés. La Convention Baptiste et ses églises affiliées couvrent près de 80 pour cent des dépenses de fonctionnement du NBTS.

L’expérience du NBTS n’est pas typique. Différentes cultures réagissent très différemment aux défis de la participation, bien sûr, mais une grande partie du succès du NBTS est liée à son organisation et à l’effort commun. Peu d’écoles, d’après notre expérience, ont une base de données accessible aux anciens étudiants et aux donateurs. Elles sont encore moins nombreuses à maintenir le contact avec eux et partager leurs préoccupations en demandant du soutien et des références à ceux qui peuvent soutenir l’école avec leurs talents, leurs relations ou leurs fonds.

Cette situation a des répercussions sur la santé des établissements, bien sûr, mais l’élaboration d’un réseau communautaire est également importante pour l’éducation. En tant que “pratique” – la théologie, l’enseignement, et le pastoral – implique un apprentissage continu. D’autres pratiques, comme la médecine, par exemple, l’exigent. Pourtant, l’éducation et la formation continue – un sujet fréquemment abordé qui semble trop souvent plus un slogan qu’une pratique – sont largement négligées tandis que les écoles se concentrent sur les programmes et les étudiants de l’année en cours. Un des principaux objectifs du développement du réseau des anciens étudiants et d’encourager les diplômés et de leur fournir des expériences qui favorisent l’apprentissage et le perfectionnement continus.

La poursuite de la mission exige que les dirigeants des écoles prennent en compte l’ensemble de la communauté dont ils font partie et qu’ils dirigent, y compris ses besoins en matière de formation continue et d’éducation et des occasions de soutenir l’école dans sa mission.

4. Les dirigeants compétents de haut niveau sont indispensables.

Le leadership implique une direction et une supervision efficaces de l’école, qui est une entreprise économiquement fragile investie d’une mission importante. Le président (principal, vice-chancelier, doyen) enseigne généralement aussi, contribue à la communauté scientifique, représente l’école lorsqu’elle attire des étudiants, des professeurs et des ressources, supervise le budget et dirige même des projets de construction. Les cadres hiérarchiques sont peu nombreux et, comme dans toutes les organisations, la responsabilité ultime incombe au premier responsable.

Elizabeth Sendek

Elizabeth Sendek
Présidente du Colombia Biblical Seminary (FUSBC) Medellin [Faculté Biblique de la Colombie, Medellin]

En 2010, le gouvernement colombien a lutté contre les FARC, la force marxiste financée par la drogue qui tentait de s’emparer de la nation. Une grande partie du conflit était concentrée à Medellin. La FUSBC était en grande difficulté financière à la suite de pertes d’investissement et d’années de déficit.

La comptabilité et les audits internes avaient échoué. Elizabeth Sendek est devenue présidente et, avec le soutien du conseil d’administration et du personnel, a préparé un plan de survie stratégique pour 2011-2016.

Au milieu des troubles civils, l’école a fourni un enseignement de qualité  et un environnement sûr, en abritant les enseignants, étudiants, anciens étudiants et autres. Cette école est devenue une alma mater, une «mère nourricière» au sens propre du terme.

Le plan de survie a fonctionné et l’école s’en porte bien mieux aujourd’hui, contribuant à la vie de l’Église en Colombie et œuvrant pour l’accréditation gouvernementale au plus haut niveau. Elizabeth Sendek a la capacité de préparer et de suivre un plan, d’obtenir et d’encourager le soutien de la faculté et des étudiants, et d’incarner l’accueil de l’école.

Les défis en matière de leadership vont au-delà des murs de l’école. En Colombie, il s’agissait du mouvement évangélique au milieu des troubles civils. Les écoles se trouvent souvent dans des circonstances difficiles, parfois avec une opposition issue de majorités de personnes se réclamant d’autres religions ou de l’athéisme. Dans quelques cas, les préoccupations tribales et la politique de l’Église constituent des obstacles aussi importants que les autres religions. Comme en Colombie, de graves troubles civils et la guerre ont récemment secoué les dirigeants de la République centrafricaine, de la Côte d’Ivoire, de la République démocratique du Congo, de l’Égypte, du Liban, du Nigeria, du Sri Lanka et de l’Ukraine – où se trouvent plus de la moitié des écoles avec lesquelles nous travaillons dans le cadre de la Vital SustainAbility Initiative (Initiative de Survie Vitale).

La gouvernance et l’orientation de l’Église est un défi croissant. Les missionnaires occidentaux  se retirent du champ de mission, avec leur administration et leur financement. A quelques exceptions près, les distinctions confessionnelles et l’influence sont en déclin. Les méga-églises se développent dans presque toutes les régions, généralement sous l’impulsion de prédicateurs charismatiques et des spécialistes fonctionnels qui n’accordent qu’une valeur limitée aux diplômes académiques traditionnels. Certains sont partisans d’une approche contestable ou douteuse de la théologie, plus particulièrement l’évangile de la prospérité. L’éducation informelle est de plus en plus disponible et populaires. Ces tendances étendent l’Église, souvent d’une manière surprenante et créative, mais les évangéliques du monde entier ont été lents à organiser de nouvelles structures locales pour guider l’Église dans ces domaines souvent difficiles.

L’objectif n’est évidemment pas que les écoles proposent une gestion formelle de l’église. Cependant, nous, les évangéliques, nous sommes souvent défaillants quant à la fonction biblique de l’évêque: le sage surveillant et guide de l’Église – qui a besoin de ses propres guides! Si ce ne sont pas les écoles de théologie et leurs facultés, qui seront les guides théologiques? Si ce n’est pas le premier responsable de l’école de théologie, qui mobilisera et encouragera les ressources du corps professoral?

Le travail de direction d’école est précieux et de grande envergure, généralement accompli par des femmes et des hommes doués qui ont reçu une formation en théologie et en éducation. Ils ont besoin d’encouragements, d’amis qui les écoutent et les guident occasionnellement, et de conseillers/conseillères soucieux de leur développement. Ce type de soutien est l’un des rôles les plus importants des collègues et des administrateurs. Le leadership est un don de Dieu, une discipline à développer et à pratiquer, et un rôle à chérir et à valoriser en tant que partie intégrante de l’Eglise.

Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Eglise du Seigneur. (Actes 20.28)

L’éducation théologique est importante parce qu’elle est un élément important de l’Église, axé sur la formation de ses dirigeants et prophètes. Les outils liés à la formulation de la stratégie et à la planification peuvent contribuer à la valeur distinctive de chaque école, à son dynamisme continu et à sa durabilité.

Note de remerciement: Merci à chaque responsable d’une école partenaire d’être nos clients, de nous avoir instruits dans votre contexte et de nous avoir soutenus lorsque notre manque de compréhension était évident, d’avoir exploré  et partagé des idées, et pour votre accueil. Aux cinq fondations généreuses mais anonymes qui ont permis ce travail, pour le partage de vos idées et pour votre souci de la mission de chaque école et de ses responsables. A nos amis et collègues de l’Overseas Council [le Conseil d’Outre-Mer] pour l’opportunité que vous nous avez donnée de travailler avec vous ces dernières années.

Annexe: Un Exemple

Le Séminaire Théologique Baptiste Nigérian (NBTS) nous a donné la permission de partager son plan à long terme, décliné en sept étapes, chacune soutenue par des objectifs, sous-objectifs et tâches à accomplir pour 2016-2020. Les sept objectifs sont propres à NBTS et comportent des changements par rapport aux pratiques antérieures. Les caractéristiques spécifiques ne sont donc pas directement applicables à une autre école, mais nous espérons que l’exemple sera utile à ceux qui élaborent une stratégie.

Les mots utilisés par le  NBTS sont en italique; un soulignement indique un domaine qui constitue un défi principal. Des commentaires explicatifs suivent chaque objectif.

  1. Diriger le réseau de séminaires NBC pour l’éducation théologique, pour l’Église nigériane (pas seulement pour les baptistes nigérians). NBTS, l’école supérieure de niveau eme cycle de la Convention baptiste, réunira régulièrement des responsables du système baptiste de formation théologique pour réfléchir à sa fonction au sein de l’Église et pour un moment d’encouragement mutuel. De plus, pour autant que cela soit approuvé, le NBTS travaillera en réseau avec d’autres confessions pour partager le ministère et échanger des professeurs, et offrira délibérément de la formation aux dirigeants des autres dénominations chrétiennes. Pour continuer l’exemple: Deux objectifs soutiennent ce but, l’un axé sur les recteurs d’autres écoles baptistes, l’autre sur les dirigeants d’autres confessions. Chaque objectif comporte trois sous-objectifs de soutien et des tâches prévues. La personne ou le service responsable est identifié. La séquence est définie pour l’année en cours et quatre autres, avec plus de spécificité et les détails au cours de la première année plutôt qu’au cours des périodes suivantes. Chacun des sept objectifs (#2-6 ci-dessous) est décrit et détaillé de cette manière. Au total, sept finalités sont soutenues par 41 objectifs et des centaines de sous-objectifs et de tâches.
  2. Former des leaders pour l’Église nigériane à travers une inscription croissante et ciblée pour la formation professionnelle comme pasteurs, enseignants pour les institutions théologiques et professionnelles. En plus de se concentrer traditionnellement sur les pasteurs et les enseignants, le NTBS ajoutera des programmes pour les travailleurs chrétiens afin de leur permettre de devenir des reflets plus efficaces de leur foi au travail.
  3. Guider l’Église nigériane, théologiquement et prophétiquement, dans des domaines critiques pour l’Église et la société, y compris le matérialisme et la corruption, la sexualité, la protection de la création, le rétablissement de la paix et l’urbanisation, et préparer l’Église pour son ministère auprès des musulmans. Il s’agit là de priorités explicites pour le développement des capacités du NBTS et, dans plusieurs cas, de sa voix prophétique au sein de l’Église. Chacune implique le développement du corps professoral et des programmes d’études.
  4. Equiper le corps professoral du NBTS pour sa mission de former des leaders pour l’Église et la société, et de guider l’Église sur le plan théologique (20-25 nouveaux professeurs, plus la formation continue pour les enseignants en poste). En tant que grande école comptant un certain nombre de professeurs qui prennent leur retraite, le NBTS fait face à un défi de taille en matière de formation professorale – environ la moitié des professeurs seront embauchés au cours des prochaines années. Une observation: Le perfectionnement du corps professoral, en général, est l’un des éléments les plus difficiles et les plus stratégiques du plan d’une école. Elle exige une réflexion approfondie à long terme, compte tenu de la vocation de l’école et de celle du futur professeur. Cependant, le perfectionnement du corps professoral est rarement abordé de façon systématique, compte tenu de la nouvelle expertise requise pour aborder les sujets prioritaires, de l’augmentation du nombre d’étudiants, des nouveaux programmes, des départs à la retraite et du roulement normal du personnel, ainsi que de la séquence des perspectives d’obtenir un diplôme de deuxième cycle. Seules quelques rares écoles assurent une formation continue des membres du corps professoral en ce qui concerne la recherche ou la pédagogie. De plus, la rémunération du corps professoral de certaines écoles n’est pas suffisante pour assurer la concentration sur l’établissement et sa mission. Tous ces éléments font partie d’un plan global.
  5. Reformuler le programme d’études et la pédagogie, dans le contexte de la mise en œuvre de la technologie (passage de l’enseignant à l’étudiant, inclure des leaders autres que les pasteurs, intégrer la technologie). Le NBTS a été très traditionnel jusqu’à maintenant, mais il croit que la technologie est sous-utilisée et qu’une approche davantage axée sur l’apprenant sera plus efficace et plus formatrice. De plus, à mesure que l’école accueillera davantage d’étudiants axés sur le leadership civil, la perspective du corps professoral devra être élargie par rapport à son orientation actuelle sur les pasteurs.
  6. Moderniser le site et les installations d’Ogbomosho pour mettre en valeur la beauté de la création, en accordant une attention particulière aux singularités historiques et architecturales du Nigeria… ainsi qu’à l’entretien et à l’hospitalité. Le site, développé à l’origine par des missionnaires baptistes, a besoin d’être développé et rénové, et être mieux entretenu de façon continue. Cela sera guidé par l’élaboration d’un plan directeur pour le site.
  7. Assurer la viabilité et la vitalité continue du NBTS, en envisageant… des partenariats, en mobilisant les anciens étudiants et le réseau des églises, en rédigeant des propositions aux Nigérians nantis, en parrainant le conseil, en recrutant un gestionnaire pour la filière d’activités.

Ce sont des priorités pour la collecte de fonds afin de permettre le développement de l’école dans le cadre de sa  mission.

Larry Smith

Larry Smith, President of ScholarLeaders, spent years counseling multi-national corporations on strategy and organizational effectiveness.